Évènement

2° Séance du séminaire « Penser les théories esthétiques du cinéma » 2022 - 2023

7 Décembre à 18h en salle 251 au Centre Saint-Charles

Camille Bui (MCF Paris 1) : « A propos de l’étude socio-esthétique du cinéma documentaire : The Corporeal Image » de David MacDougall

Olga Kobryn (chercheuse à l'IRCAV, Sorbonne Nouvelle) : Le "moment esthétique du cinéma" en tant que moment politique dans la "Fable cinématographique" de Jacques Rancière.

La fable cinématographique (2001) de Jacques Rancière s’inscrit dans une série d’ouvrages tels que Le Partage du sensible (2000), L’Inconscient esthétique (2001) et Malaise dans l’esthétique (2004), qui se partagent la tâche de la définition du concept d’esthétique en tant que régime ou âge de l’art particulier, le terme d’esthétique devenant alors aussi bien une nouvelle manière de faire de l’art qu’une nouvelle manière de le penser. L’auteur propose un système conceptuel singulier qui n’est ni « la théorie de la création artistique, ni de la réception esthétique » mais une proposition d’inscription des pratiques artistiques modernes et contemporaines, qu’il réunit sous le terme de régime esthétique de l’art, à l’intérieur d’un champ plus vaste du partage du « visible » et du « dicible », autrement dit à l’intérieur du champ politique qui s’occupe de la régularisation de modes de visibilité et du pouvoir.

Rancière place le cinéma à l’intérieur et dans la continuité de la révolution esthétique - révolution qui rend le cinéma possible -, et opère un déplacement conceptuel de l’étude de l’esthétique cinématographique vers le « moment esthétique du cinéma » (« cinéma comme expérience, comme art, comme idée de l’art »). Ce déplacement définit le geste esthétique en tant que travail de dé-figuration (opéré par Epstein, Deleuze, Godard), en tant qu’acte de dramaturgie visuelle qui est « consubstantielle à l’histoire du cinéma comme art et comme objet de pensée », l’acte issu de la logique même du régime esthétique de la pensée de l’art.

La pensée de Rancière met ainsi à l’épreuve (ou traite avec un écart) un ensemble de théories esthétiques cinématographiques ontologiques (Epstein, Bazin, Deleuze) ainsi que l’évidence des « situations optiques et sonores pures » et la vision « non manipulée du cinéma », pour insister sur le « travail de contrariété » de l’image cinématographique sous forme de dramaturgie (de la forme et du contenu, du visible et de sa signification). Nous voudrions à notre tour mettre à l’épreuve la théorie de Rancière afin de poser la question de sa nature politique : dans quelle mesure le concept d’esthétique peut-il prétendre ou pas à une autonomie par rapport aux concepts qui le soutiennent et qui semblent vouloir se partager leur influence et leur propre travail de contrariété exercé sur l’esthétique – moment éthique d’un côté, moment politique d’un autre (sans oublier le moment de l’influence des théories scientifiques) ?